M. Jospin s’emploie à rassurer les Québécois sur la fidélité de
la France
MONTREAL, 18 déc (AFP) – Le Premier ministre français Lionel Jospin s’est employé
vendredi à Montréal à rassurer les Québécois francophones inquiets d’un éventuel
désamour de la France à leur égard depuis l’arrivée de la gauche au pouvoir.
La crise irakienne, quoique omniprésente dans les préoccupations du Premier ministre
qui se tient "au contact de cette réalité un peu dramatique avec le ministre des
Affaires étrangères (Hubert Védrine) et le président" (Jacques Chirac), n’a pas
modifié son programme.
Juste avant son arrivée à Ottawa mercredi, un éditorialiste québécois renommé
s’était demandé si "la France n’abandonnait pas le Québec". "Absolument
pas", répondait-on dans l’entourage de M. Jospin. Si dans le monde dans lequel nous
vivons du fait de la mondialisation "ailleurs c’est chez soi, au Québec, c’est sûr,
ailleurs, c’est chez soi", a estimé vendredi M. Jospin.
Les Québécois ont mal ressenti l’évocation par Lionel Jospin, à Ottawa, des
bienfaits du "multiculturalisme", terme souvent utilisé par les Canadiens
anglophones pour relativiser l’importance du bilinguisme des peuples fondateurs.
A son arrivée jeudi soir au Québec, M. Jospin s’est entendu reprocher, selon des
sources concordantes, l’emploi de ce mot par son homologue québécois, Lucien Bouchard,
et par la ministre des affaires internationales, Louise Beaudoin. Mme Beaudoin, amie de
longue date de Lionel Jospin et qui était jusqu’à très récemment ministre de la
Culture et de la francophonie, lui a fait comprendre qu’il aurait été préférable de
parler de "diversité culturelle". "Nous devons faire comprendre aux
Français que leurs bonnes intentions peuvent toujours être détournées par les
fédéralistes", soulignait vendredi un proche de M. Bouchard.
De leur côté, des proches du Premier ministre français ont expliqué que
l’utilisation du mot "multiculturalisme" par Lionel Jospin n’était "pas du
tout connoté" et que le chef du gouvernement n’avait "pas forcément à
s’inscrire dans cette polarisation, cette problématique" québéco-canadienne.
"La relation franco-québécoise n’est pas seulement tournée vers le passé, elle
l’intègre mais ne s’y enferme pas", a souligné Lionel Jospin lors du lancement
d’une banque de données électroniques franco-québécoise, à l’occasion du 30ème
anniversaire de l’Office franco-québécois pour la Jeunesse (OFQJ).
Il a fait valoir que "partager une culture entre la France et le Québec, ce
n’était pas cultiver la nostalgie mais être capable de projeter dans l’avenir des
valeurs, des créations, une mémoire, une identité, de façon à ce qu’elles restent
vivantes".
Devant la communauté française, il a rendu hommage au Canada "pays moderne,
créatif et accueillant, qui construit avec ténacité une société ouverte et
pluraliste, animée par l’esprit d’entreprise et une économie dynamique à la pointe des
nouvelles technologies".
De son côté, M. Bouchard a souligné que le "dynamisme de la langue ne
dépendait que de nous".
La veille à Toronto, Lionel Jospin avait loué devant la communauté d’affaires
canadienne anglophone les attraits de la France et de l’Union européenne comme
"pôle de stabilité et de croissance" dans un monde secoué par la crise
financière internationale. Soucieux de donner une image rassurante de la France, il
s’était employé à expliquer à son auditoire que les 35 heures offraient "une
souplesse" aux entreprises et n’entraîneraient pas "un renchérissement du
coût du travail". Il a fait valoir qu’il ne fallait pas confondre durée légale du
temps de travail et durée moyenne effective.
Il devait rencontrer vendredi les chefs d’entreprise français et québécois au cours
d’un déjeuner débat sur l’approfondissement des relations commerciales
franco-québécoises.
Dans l’après-midi, il devait se rendre à Québec où devait lui être remis l’ordre
national du Québec, la plus haute décoration de la province.
©AFP 1998