LE SCANDALE DE PONTIAC
Le 3 avril 1997, le Comité d’action
francophone Pontiac faisait parvenir au Premier Ministre du
Québec une lettre dans laquelle est décrite la situation des
francophones du Pontiac, situation scandaleuse dénoncée depuis
plus de 42 ans mais que personne ne prend au sérieux.
Voici le contenu de cette lettre:
Comme organisme récemment constitué, pour
la défense de la langue et de la culture françaises au Pontiac,
nous avons commencé le montage d’une banque de données de
toutes natures, pour illustrer, expliquer et tenter d’améliorer
le sort des francophones d’ici.
Une heureuse coïncidence nous a fait
frapper à la porte de l’Action nationale d’où nous avons obtenu
des documents qui expliquent l’essentiel de ce qui se passe ici
depuis plus d’un siècle. Ils nous apprennent également que ce
scandale a été porté à l’attention publique dès 1954. Qu’ont
fait les gouvernements successifs depuis ce temps, pour redresser
la situation du Pontiac et que s’y passe-t-il aujourd’hui?
- La loi 101 ne s’est pas rendue
jusqu’ici et n’offre pas aux francophones la protection
qu’elle offre aux francophones de l’ensemble du Québec.
- En 1978, le gouvernement de René
Lévesque nous a accordé une radio communautaire qui a
tôt fait de devenir bilingue sous la pression
anglophone.
- Nous sommes toujours sous la
juridiction du diocèse de Pembroke dont les prêtres
n’ont rien trouvé de mieux que de faire prier leurs
ouailles afin qu’il n’y ait pas de violence dans la
crainte d’un résultat positif au référendum d’octobre
1995.
- La loi québécoise sur les fabriques
paroissiales est totalement ignorée et notre patrimoine
religieux est à l’entière disposition de Monseigneur
O’Brien de Pembroke.
- L’hopital local n’est pas toujours en
mesure de dispenser des soins aux francophones dans leur
langue; il arrive encore qu’ils doivent s’exprimer en
anglais.
- Il se passe dans nos écoles primaires
des irrégularités que personne n’ose dénoncer; des
maternelles bilingues et une propagande fédéraliste
débridée.
- Le bilinguisme (pour les francophones,
bien sûr) est la vertu suprême de la très grande
majorité d’entre nous qui craint l’ire anglophone. Les
francophones sont constamment appelés à plier, au nom
de l’harmonie sociale.
- La MRC et la voie navigable récemment
ouverte comptent toujours des employés unilingues
anglais dont l’arrogance envers les francophones
manifeste leur hostilité.
- L’incidence de votes illégaux est
très élevée, la loi électorale est ignorée ou
bafouée; encore au dernier référendum, notre député
Libéral s’est présenté dans plusieurs sections de vote
accompagné de son organisateur politique qui est en
même temps maire de l’Île-aux-Allumettes.
- Certains de nos villages abritent
encore des loges orangistes actives qui disent n’être
que des relents historiques inoffensifs «One God, One
Monarch, One Language» tout de même.
- Il n’y a toujours pas de route
carrossable directe reliant Rapides-des-Joachims au reste
du Pontiac et du Québec. On doit emprunter la route 17
ontarienne et y accéder via Rolphton Ontario; leur
indicatif régional et leur code postal officiel sont
aussi ceux de Rolphton. Il y a 3 ans, les citoyens de
Rapides-des-Joachims ont réussi à obtenir un code
postal québécois mais ce dernier est contesté par le
Bureau de poste de Rolphton qui ralentit la livraison du
courrier aux têtes fortes qui insistent pour affirmer
qu’ils résident au Québec.
- Le chômage est endémique et le taux
de suicide chez nos jeunes est alarmant.
- Notre unique polyvalente française
n’est plus qu’une école secondaire faute d’étudiants.
- Des familles entières, des villages
entiers (Chapeau, Sheenboro, Île-aux-Allumettes,
Chichester, etc.) ont cessé de parler français au
foyer.
- Plusieurs municipalités émettent des
permis de toutes sortes en anglais seulement, affichent
une appellation anglaise sur leurs documents officiels
(Allumette Island East) et se permettent de contribuer à
même les taxes municipales à divers mouvements
partitionnistes locaux et au Parti Libéral du Canada.
- Plusieurs francophones se sont non
seulement assimilés aux anglophones, ils sont devenus
carrément francophobes; ce phénomène pathologique
témoigne de la pression insuportable exercée sur les
uns par les autres.
- L’analphabétisme affecte une grande
partie de la population ce qui la rend vulnérable à la
désinformation systématique, aux peurs et aux menaces.
- Les partitionnistes sont venus
chez-nous comme s’ils étaient chez-eux pour implanter
leurs idées. Ce qui n’a rien de surprenant étant donné
ce qui précède.
Il existe encore des francophones au
Pontiac. Nous sommes de moins en moins nombreux comme le signale
le texte du professeur Charles Castonguay daté le 17 avril 1996.
Nous sommes parmi ceux qui restent et nous
venons aujourd’hui dénoncer l’insouciance coupable des
gouvernements du Québec qui ont successivement négligé la
population francophone du Pontiac.
Nous exigeons par la présente, réparation
pour les torts que nous avons subis à cause de cette
insouciance:
- Nous demandons un examen critique de
la situation actuelle des paroisses, des municipalités,
du régime scolaire primaire et secondaire, du
fonctionnement de la MRC où les citoyens francophones
doivent s’adresser et présenter des documents en deux
langues et nous revendiquons les mesures correctives
requises.
- Nous demandons l’intervention
gouvernementale pour assurer qu’une information claire,
objective et factuelle soit véhiculée auprès de la
population trop souvent bernée par une désinformation
malhonnête.
- Nous demandons une présence
gouvernementale ferme et active dans notre milieu pour
soutenir la population francophone.
- Nous demandons sérieusement
l’intervention de spécialistes pour expliquer aux
francophones qu’ils ont le droit de revendiquer la
liberté de s’exprimer dans leur langue maternelle.
Certains vous diront qu’il n’appartient pas
au gouvernement de former la conscience linguistique et nationale
d’un peuple. Ce n’est pas notre avis. Certains iront même à
réduire le peuple à une collectivité de consommateurs qui ne
demandent que des "jobs". Nous pouvons vous assurer que
la faim qui existe ici en est une d’idées et de convictions.
Nous estimons normal qu’une personne
choisisse de s’assimiler à la culture d’un autre et en adopte la
langue; c’est d’ailleurs ce que nous demandons à ceux et celles
qui quittent leur pays pour venir au Québec. Nous estimons par
contre tout à fait anormal qu’un ensemble de personnes
s’assimilent à la culture de la minorité en son propre pays et
en adopte la langue. Voilà la situation du Pontiac et nous ne
risquons pas de nous tromper en affirmant que ces gens n’ont pas
eu la liberté de choisir.
Sans partisanerie aucune, nous misons sur
la présence d’un gouvernement du Parti Québécois comme étant
seul capable de redresser les torts qu’ont subi les gens d’ici.
Nous espérons ne pas être déçus de la confiance que nous vous
manifestons.
En terminant, il est bon que vous sachiez
que l’Action nationale publiera cette lettre dans son édition du
mois de mai; nous songeons également à la soumettre pour
publication à différents journaux tels Le Devoir, Le Droit et
le Journal du Pontiac.
à ce jour, le Comité d’action francophone
Pontiac a reçu un accusé de réception du bureau du Premier
Ministre annonçant que le dossier avait été transmis au bureau
de la Ministre de la culture et des communications; une copie de
la lettre, des documents de l’Action nationale et des
statistiques du professeur Castonguay ont été transmis au
Devoir de Montréal et au Droit d’Ottawa; le résumé des
documents de l’Action nationale intitulé «Le scandale de
Pontiac» (Vol. XLV, No 1, septembre 1955) a été publié dans
le Journal de Pontiac.
Il est minuit moins une pour les
francophones d’ici! Notre avenir est incertain. Ceux et celles
d’entre nous qui avons par miracle échappé à l’assimilation ne
peuvent pas ne pas lancer ce cri d’alarme.
Le Comité d’action francophone Pontiac
sera heureux de recevoir vos questions et commentaires:
Sébastien Beaudoin C.P. 214, Campbell’s Bay QUéBEC, J0X 1K0 et
Lise Séguin R.R. # 1, Fort-Coulonge QUéBEC, J0X 1V0. Pour
obtenir copie de notre programme ou tout autre document, prière
de joindre quelques dollars à votre correspondance puisque nous
sommes «cassés comme un clou».