LA COUR SUPRÊME ET LE QUÉBEC

LA COUR SUPRêME ET LE QUéBEC

Raymond Laroque
Hull (Québec)

La Cour suprême du Canada a encore rogné une loi essentielle au
Québec, la loi référendaire, tout comme elle avait rendu inopérante la majeure partie
de la loi 101. La survie du fait français en Amérique du Nord nécessite l’intégralité
de ces deux lois, car autrement le Québec ne dispose d’aucune défense contre le poids
démographique, économique et politique du Canada anglais. La survie et l’épanouissement
d’un Québec français nécessite une défense efficace contre les empiètements du Canada
anglais sur son territoire.

On s’est ?indigné? cet été du rappel du célèbre cri du Général de
Gaulle: ?Vive le Québec libre!? Le jugement de la Cour suprême ne démontre-t-il
pas à l’évidence que le Québec n’est pas libre? Que signifie ce jugement sinon que le
Québec est gouverné et contrôlé du dehors par le Gouvernement fédéral qui est
dominé à cinq contre un par le Canada anglais? Les juges de la Cour suprême ne sont
nullement ces neuf sages trônant dans l’absolu d’une justice transcendante. Ce sont, tout
vulgairement, des fédéralistes qui, retranchés derrière l’impunité des lois du Canada
anglais, ramènent sans cesse le Québec à l’infériorité et à la dépendance. Clause
Canada, pouvoir de dépenser!

Et surtout qu’on ne s’en laisse pas imposer par cette notion des droits
des individus que l’on invoque pour masquer le but réel de l’entreprise qui est
d’empêcher le Québec de vivre, de le rapetisser et de le détruire en grugeant sans
cesse son espace vital, en diminuant ses compétences législatives, en subordonnant
rigoureusement celles-ci aux intérêts et aux volontés du Canada anglais!

Au Canada, tout est anglais: l’histoire, les institutions, les lois, le
Gouvernement fédéral, la Cour suprême. Sans être officiellement reconnu, l’Anglais
dispose d’une masse formidable et évidente qui est le fond et la réalité de tout
l’ensemble canadien. Aussi les droits des individus faussement invoqués servent-ils de
masque à la domination du Canada anglais sur le Québec. Du reste, on aura remarqué
qu’on invoque les droits individuels pour justifier les droits collectifs du Canada
anglais, tels que celui d’utiliser librement l’anglais au Québec, ou bien le droit pour
le Canada de dépenser tout l’argent qu’il veut contre le référendum québécois. Les
droits des individus invoqués par la Cour suprême sont en réalité le droit du Canada
anglais à imposer sa loi au Québec. En effet, un droit se juge non dans l’abstrait, mais
dans ses effets qui sont ici d’empêcher au Québec la tenue d’un référendum
démocratique.

Par contre, la survie du Québec exigerait la reconnaissance des
Québécois comme un peuple distinct, et que les droits des individus ne puissent être
invoqués que dans le cadre de cette reconnaissance. Parce qu’au Québec, les droits du
peuple et ceux des individus sont deux choses distinctes, voire antagonistes. Les droits
des individus sont définis et configurés par la Constitution canadienne, ils sont donc
anglais. Par contre, le peuple québécois n’ayant pas de reconnaissance officielle ne
possède aucun droit devant les tribunaux, et les citoyens québécois, par voie de
conséquence, n’en possèdent aucun non plus. Ils n’ont que les droits des citoyens
anglais du Canada auquel la Constitution canadienne les assimile, et auxquels les
jugements de la Cour suprême les ramènent par la force de leur injustice légale.

Il faudrait donc cesser de croire à la noblesse et à l’impartialité
de la Cour suprême. Nommée par le Gouvernement fédéral, elle ne possède nullement
l’habilité morale pour trancher des questions qui impliquent un partage de pouvoir entre
Ottawa et Québec, c’est-à-dire dans la totalité des questions constitutionnelles. Sa
pratique constante, depuis 1867, a été d’appliquer mécaniquement la Constitution en
faveur du fédéral dont les compétences sont absolues de son point de vue, et de
permettre au fédéral par toutes sortes de considérants fallacieux, de s’immiscer dans
les compétences du Québec et de les rendre inopérantes. Vraiment, une loi québécoise
n’a d’existence et de portée qu’entre le moment où elle est votée, et celui où la Cour
suprême l’invalide ou la prive de son efficacité au profit du Canada anglais. Voilà ce
que le gouvernement du Québec devrait affirmer fermement et avec constance, dans des
termes aussi clairs et exempts d’équivoque que ceux que nous venons d’utiliser.

Hubert Larocque
Hull, Québec
J8Y 5R9


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