EN MARGE DE L’AFFAIRE MICHAUD
Esther Benbassa est directrice d’études à l’Ecole pratique des hautes études,
où elle est titulaire de la chaire d’histoire du judaïsme moderne.
En marge de cette malheureuse «affaire
Michaud», permettez-nous de porter à votre attention une référence
disponible sur Internet que nous a fait connaître M. Stéphane Stapinsky,
historien. Vous pourrez la vérifier en vous rendant à l’adresse indiquée.
Elle jette un éclairage particulier sur le contexte entourant toute cette
affaire.Les citations suivantes sont extraites
d’un article, tiré du quotidien français Libération, signé
par une éminente spécialiste de l’histoire juive.
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Les bien-pensants, juifs ou
non, expient en ranimant la flamme du souvenir face aux descendants de
l’Holocauste.
La Shoah comme religion
Par ESTHER BENBASSA
Esther Benbassa est directrice d’études
à l’Ecole pratique des hautes études, où elle est titulaire de la chaire
d’histoire du judaïsme moderne, et auteur notamment d’«Israël imaginaire»
(avec J.-C. Attias, Flammarion, 1998) et d’une «Histoire des juifs de France»
(Seuil, 2e éd., 2000).
Quelques extraits de cette première référence :
«Au fil des années, la mémoire du passé, la mémoire de la Shoah se sont
imposées jusqu’à parfois étouffer, aujourd’hui, la vie. Jusqu’à légitimer
une étonnante tendance à la victimisation. C’est ainsi que, dans un Occident où
l’antisémitisme est actuellement loin de représenter un quelconque danger pour
le quotidien des juifs, on traque chaque mot suspect, chaque phrase, le moindre
cyberdérapage. On n’a jamais revêtu les habits de la victime avec autant de
complaisance que maintenant. Peut-on ouvrir un périodique juif sans y lire un
article sur l’antisémitisme ou la Shoah?»
«La victimisation immunise le juif contre toute critique et immunise par là
même Israël.
Gare à ceux qui enfreignent cette règle, vite traités d’antisémites, même
lorsqu’ils sont eux-mêmes juifs! Une attitude diasporique éloquente, lorsqu’on
la compare à la distanciation avec laquelle certains Israéliens commencent à
regarder leur passé, y compris la Shoah, et leur mythologie nationale. Ces
derniers ont sans doute moins besoin d’une identité juive que les juifs de la
diaspora, sur qui pèse l’épée de Damoclès d’une assimilation réelle ou
imaginaire. Avec l’Intifada, la place d’Israël dans l’identité juive a
cependant été quelque peu ébranlée. Restent l’antisémitisme et le souvenir
de la Shoah, qui préservent la cohésion du groupe. La nouvelle religion séculière
a besoin d’exégèses, comme l’ancienne. Livres, mémoires, témoignages,
colloques, commémorations étoffent son contenu, lui donnent une assise.»
«Ses entrepreneurs publics veillent sur son temple. A la pratique
religieuse, aux devoirs du culte, se substitue l’incontournable devoir de mémoire.
L’unicité de la Shoah est offensivement brandie, quitte à occulter d’autres génocides,
âprement distingués de celui des juifs. Elle joue un peu le rôle, dans cette
nouvelle religion séculière, de l’élection du peuple juif dans la religion
traditionnelle.»
«De leur côté, face aux victimes et à leurs descendants, les
bien-pensants expient en ranimant la flamme du souvenir. La presse non juive,
les intellectuels, les politiciens, dans une sorte de désir de purification,
s’immiscent dans un culte qui renforce la victimisation des adeptes de la
nouvelle religion et leur confère, en dernière analyse, le statut de juifs. Le
cercle est vicieux, on n’en sort pas.»
Tout le texte est accessible à l’adresse Internet suivante :
http://www.liberation.com/quotidien/debats/septembre00/20000911a.html
(Le 17 décembre 2000)