AMPUTATION
En 1976, apparaît enfin la Charte de la langue française. La même année, drôle de
coïncidence, surgissent les classes d’anglais intensif au primaire. On décide d’amputer
le français pendant la moitié de l’année et de le remplacer par l’immersion anglaise.
Les familles de ces élèves admis sont encouragées à reproduire, chez elles, un milieu
culturel anglophone, comme le fait leur école francophone.
C’est à la commission scolaire des Mille-Îles que revient le douteux honneur
d’inaugurer cette amputation du français qui fait maintenant fureur à travers le
Québec. McGill et Concordia, amis reconnus du français, délèguent Patsy M. Lighborn,
Leila Ranta, Randall Halter et compagnie pour superviser cette expérience culturelle
singulière compte tenu de l’identité naturellement fragile de tout jeune de 9,10 ou 11
ans.
Selon un bilan préparé par Wynanne Watts et Sandra Snow au nom de la Société des
professeurs d’enseignement de l’anglais du Québec (SPEAQ), rien ne peut améliorer le
français comme son amputation. L’amputation du français pendant cinq mois en 4e, 5e
et/ou 6e année du primaire " ouvre une fenêtre sur le monde " et produit de
" meilleurs apprentissages en mathématiques et en français ". (D’après
INTENSIG, page 12,1993, et L’enseignement intensif de l’anglais, page 47, 1991, par
SPEAQ.) II y a de quoi être éberlué. Demander à l’industrie du tabac de faire une
étude sur le tabagisme donnerait le même genre de conclusion.
Pendant ce temps, en Grande-Bretagne, en Suède, en Suisse, aux états-Unis et
ailleurs, l’on analyse sérieusement les avantages et les inconvénients de l’enseignement
précoce d’une langue seconde.
Voici les conclusions d’une étude suisse, très sérieuse celle-là, décrite par
madame Marie-France Vouilloz Burnier, docteure ès Sciences de l’éducation de
l’Université de Genève. (Merkt, G., Immersion: une autre forme d’enseignement /
apprentissage des langues vivantes. Neuchâtel, Documents de l’IRDP,l993.)
1. En contexte minoritaire, vouloir " développer chez les élèves des
compétences linguistiques proches de celles des bilingues, sans pourtant entraîner de
diminution de la maîtrise de la langue maternelle [n’est-ce pas] réelle utopie ou
réelle hypocrisie?
2. En contexte minoritaire, " plus le locuteur est jeune et plus les facteurs
socioculturels sont déterminants, plus la langue seconde a tendance à se substituer à
!a première ".
3. En contexte minoritaire, " seuls les individus disposant d’un réseau culturel
et d’une conscience aiguë de l’enjeu que constitue la maîtrise des langues ont des
chances de sortir gagnant. "
4. " II apparaît donc essentiel de mesurer !e statut de la langue immergeante et
celui de la langue immergée. "
5. II est " essentiel de maîtriser d’abord les structures de la langue maternelle
pour réussir à bien saisir les structures de la langue seconde" et ne pas confondre
les unes avec les autres.
6. " L’imposition de la langue seconde avant que les premières structures de la
langue maternelle soient mises en place signifie souvent le début de problèmes scolaires
difficilement surmontables. "
7. Pour que le bilinguisme ne devienne pas un " pot-pourri insipide", il faut
" posséder en premier lieu sa culture et sa propre langue. Sans cela, nous ne
serions que des apatrides culturels. "
Le Mouvement estrien pour le français réitère sa demande à la ministre de
l’éducation de décréter un moratoire sur cette amputation du français au primaire.
S’inspirant des autres pays comme la Suisse et aussi la Grande-Bretagne (qui, pendant 10
ans, a mené, auprès de 18 000 élèves, une vaste étude sur l’apprentissage précoce de
la langue seconde – le français – dans une contexte majoritaire en plus, et dont le
rapport- choc produit en 1975 par la National Foundation for Education Research in England
and Wales, sous la responsabilité de Stern, Burstall et Harley, montre qu’il est inutile
et contre-indiqué d’apprendre une langue seconde au primaire) qu’elle commande une étude
exhaustive et crédible sur l’enseignement de l’anglais au Québec, particulièrement dans
nos écoles primaires. En raison de notre contexte minoritaire, il serait sans doute
important d’en déterminer les impacts sur la qualité de la langue maternelle utilisée
par les élèves et sur la perception générale qu’ils ont de leur langue.
Jacques Poisson, président du Mouvement estrien pour le français
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Roméo Paquette
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