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Mettre fin à la prime au bilinguisme

Le gouvernement fédéral veut mettre fin à la prime au bilinguisme

J’ai consulté le Mémoire d’Impératif français présenté en consultations particulières et auditions publiques au Comité permanent des langues officielles de la Chambre des communes du Canada. De fait, plus particulièrement la Proposition 2 portant sur la fonction publique.

Jamais je n’aurais cru lire un aussi bon compte rendu sur la réalité des francophones œuvrant à la Fonction publique canadienne, y ayant subi (le mot est juste) les affres du bilinguisme officiel pendant 36 ans. Oui, je suis à la retraite, mais j’ai encore en travers de la gorge tout ce que le mémoire rapporte. Ce n’est pas faute d’avoir combattu, participé à des groupes consultatifs et élaboré des plans d’action, trop peu s’en faut, mais le naturel est toujours revenu.

La lecture du mémoire m’a inspiré d’aller voir ce qui en était sur les travaux portant sur la modernisation de la Loi sur les langues officielles.

D’abord, une petite observation découlant de mes lectures. J’ai pu constater que les groupes formés pour étudier la question, tel le Comité permanent des langues officielles de la Chambre des communes du Canada, sont composés de grands titres et autres gradés. Aucune trace de consultation auprès des simples fonctionnaires qui eux, de la base, connaissent trop bien l’état des lieux et ont une très bonne idée des solutions qui devraient être apportées. On semble surtout se préoccuper des hauts-fonctionnaires. Seul le Mémoire d’Impératif français évoque l’ensemble des problèmes avec éloquence. J’espère ardemment que le Mémoire et vos représentations auront une portée réelle.

Sur la question de la fonction publique, je lis différents documents sur les travaux sur la modernisation de la Loi et y retrouve une familière litanie de vœux pieux et de belles intentions que j’ai que trop souvent entendus et lus au cours des années. On propose, on souhaite, on espère des mesures, on recommande, etc. Je souhaite surtout que toutes ces propositions se retrouvent en actions réelles, à commencer par donner des pouvoirs de coercition réels pour mettre au pas la fonction publique dans l’application de la Loi. Ce manque d’outils a toujours été le point faible de la Loi actuelle, qui fait en sorte que les choses ont à peu près peu évolué depuis les années 70.

Cependant, une question est occultée partout, à savoir celle des primes au bilinguisme. J’ai cherché pour trouver une proposition de traitement de cette question. Je craignais que la question soit soigneusement évitée afin de ne pas ouvrir cette boîte de pandore que les gouvernements successifs ont toujours mise de côté.

Alors, sans surprise, la seule évocation identifiée se retrouve dans les Recommandations du Commissaire aux langues officielles pour une loi actuelle, dynamique et robuste, « Pour que les droits et les obligations en matière de langue de travail dans la fonction publique fédérale soient clairs et actuels. »

Eh bien, pour être clair, on ne peut plus. Sous l’en-tête « La modernisation de la loi sur les langues officielles : la perspective des institutions fédérales et les recommandations », on dit : « Le rapport propose de rehausser les exigences linguistiques pour les postes de haut niveau et d’assurer une évaluation adéquate des compétences linguistiques. Il souhaite élargir les occasions de formation linguistique et offre, pour ce faire, de mettre fin à la prime au bilinguisme en réinvestissant l’argent dans la formation des employé(e)s fédéraux. »

Quelle farce! Je ne sais sur quelle planète le Commissaire vit. Nous, les fonctionnaires francophones pouvons témoigner que toute la formation possible peut être offerte, mais si, en retour de formation, il n’y a pas d’environnement propice et d’obligation réelle pour utiliser la seconde langue officielle, ce sera pur perte.

Mais, l’inconscience va encore plus loin, on propose simplement d’abolir l’unique prime. Cela fait des décades que c’est le rêve des gouvernements successifs, mais qui n’ont jamais osé affronter l’opprobre de la part de ceux qui offrent réellement des services dans les deux langues. Ils se sont contentés de maintenir la prime, qui remonte aux années 70, en l’offrant à tout venant et en ne remettant peu en question sa pertinence.

Je ne comprends pas l’attitude du Commissaire à cet égard. Bien au contraire, l’habileté à offrir des services et à travailler dans les deux langues officielles est un avantage marqué qui devrait être non seulement reconnu, mais aussi rémunéré à sa juste mesure. Selon la Feuille de calcul de l’inflation de la Banque du Canada, la valeur de la prime de 800$, octroyée le 15 octobre 1977, est aujourd’hui de 3 400$. C’est ce montant qui devrait être accordé aux fonctionnaires officiellement bilingues. On le sait, un système se retrouve à la fonction publique qui reconnaît différents niveaux linguistiques. C’est logique étant donné que les niveaux d’exigences ne sont pas les mêmes pour tous les postes. Cependant, je n’ai jamais compris pourquoi le montant ne diffère pas en reconnaissance de ces différents niveaux. Un illogisme depuis le jour un.

Je crois que la modernisation de la Loi devrait inclure impérativement une reconnaissance que l’habileté des fonctionnaires vraiment bilingues à œuvrer dans les deux langues officielles soit rémunérée, selon une échelle de primes reflétant les différents niveaux de bilinguisme et qui suivraient l’inflation, afin de conserver leurs valeurs relatives.

J’aurais pu faire connaître mon point de vue aux instances qui travaillent sur la modernisation de la Loi sur les langues officielles, mais je crois que ma petite voix n’aurait eu que peu de portée. Cependant, je souhaite que cet élément fasse partie des représentations d’un organisme tel qu’Impératif français, parce que toutes les propositions du monde n’auront aucun effet si un incitatif pécuniaire n’est pas à l’avenant. Croyez-moi, aucun fonctionnaire n’offrira d’efforts particuliers à cet égard autrement. Moi le premier.

Louis Nadon

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