
Madame Verushka Lieutenant-Duval
PhD en Humanités – Beaux-arts (2016), Université Concordia
Doctorante en communication, Université d’Ottawa
Professeure à temps partiel, Université d’Ottawa
Membre du Réseau Québécois en études féministes (RéQEF)
Madame,
Merci de votre courriel. Et merci à mon bon ami de me l’avoir retransmis.
Comme bien d’autres, je fus estomaqué de constater le cauchemar que toute cette “affaire” vous a causé. J’avais beaucoup de difficulté à lire les textes rapportant les propos des personnes qui ont osé vous attaquer à ce sujet. Je n’en reviens pas de réaliser où une partie de la société est rendue. Des entrepreneurs en démolition.
Je tiens à vous dire mon appui indéfectible dans votre lutte à assurer que le milieu universitaire demeure un lieu d’expression libre et respectueux dans toute sa diversité traditionnelle.
Avec une vie publique de plus de cinquante ans, dont quatre mandats à titre de député à l’Assemblée législative de l’Ontario, je n’ai jamais été connu pratiquant la politique de langue de bois. À question honnête, réponse honnête. Debout, on voit mieux l’avenir.
Par exemple, il y a quelques années, les députés à cette assemblée ont eu le culot de voter à l’unanimité une résolution condamnant la Loi sur la laïcité du Québec. Si j’avais été en poste à ce moment, de toute évidence j’aurais empêché l’unanimité car j’aurais été le seul député à voter contre cette résolution infâme. J’imagine le tollé que mon opposition aurait créé. Aucun regret, aucune perte de sommeil. Nous aurions encore plus en commun dans notre détermination à soutenir le droit d’opinion.
La grande différence entre Anglophones et Francophones peut se résumer en ces quelques mots : ils défendre aveuglément les droits des individus, nous défendons les droits de notre collectivité de langue française. Il semble qu’ils ne comprendront jamais cette distinction essentielle à notre survie et épanouissement.

Veuillez accepter, chère Madame, l’expression de mon plus grand respect.
Jean Poirier
Alfred Ontario
Ancien député franco-ontarien, vice-président, Assemblée législative de l’Ontario
Ancien Chargé de mission, région des Amériques, Assemblée parlementaire de la Francophonie (APF)
Ancien et premier président, Section du Parlement de l’Ontario, Assemblée parlementaire de la Francophonie
Ancien président, Assemblée de la francophonie de l’Ontario (anc. ACFO).
…
Commandeur, Ordre de la Pléiade, Assemblée parlementaire de la Francophonie
Officier, Ordre National du Mérite de France
Médaille d’honneur, Sénat de la République française
Membre, Ordre des Francophones d’Amérique
Prix Séraphin-Marion et Médaille Bene Merenti de Patria, Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal
Prix Lyse-Daniels, Impératif français, Québec
…
De : Verushka Lieutenant-Duval
Envoyé : 26 octobre 2020 23:38
Objet : Re: Petit cours sur la négritude
Bonsoir Monsieur Poirier,
Merci beaucoup pour ce partage. Je trouve ce texte très inspirant! Ça me donne vraiment envie de découvrir ces auteurs.
Merci infiniment et bonne fin de soirée!
Cordialement,
Verushka Lieutenant-Duval
PhD en Humanités – Beaux-arts (2016), Université Concordia
Doctorante en communication, Université d’Ottawa
Professeure à temps partiel, Université d’Ottawa
Membre du Réseau Québécois en études féministes (RéQEF)
De : Roland Madou
Envoyé : Monday, October 26, 2020 5:10:50 PM
Objet : Petit cours sur la négritude
Une chronique très instructive, et bien rafraîchissante après tout ce qu’on a entendu de la part de nos dirigeants !
Roland
De : Jean
Envoyé : 26 octobre 2020 15:31
À : Jean
Objet : Le mot Nègre
Voici le texte de la chronique de Maka Kotto parue aujourd’hui dans le Journal de Montréal.
Ça prenait une personne comme lui pour dégonfler les arguments bidons des politiqueux corrects qui attaquent sauvagement tout dire contraire à leur opinion, surtout s’ils ont le malheur d’entendre le mot Nègre. Et qui veulent détruire tous nos monuments patrimoniaux et “nettoyer” les textes de notre histoire qui les font suer. Quel gâchis pour rien survenu à l’Université d’Ottawa et ailleurs.
Voici ma position en quelques mots à ce sujet : La liberté de dire sa pensée est essentielle. Elle ne doit pas se cacher, ni se négocier. Elle doit s’afficher.
Merci Maka !
Jean Poirier
Vous avez dit « Nègre »?
Les dénonciations de l’usage du mot « Nègre » ne datent pas de la crise de l’Université d’Ottawa. Autres temps, autres mœurs, c’est avec efficience que des étudiants africains et antillais firent la nouvelle en 1934 en s’y attaquant. C’était notamment Aimé Césaire et Léopold Sédar Senghor.
Ils n’exigeaient pas la censure de ce mot devenu raciste avec l’épisode de l’esclavage et celui de la colonisation. Ils ont entrepris sa « déconstruction ». Leur approche et leur posture étaient loin d’être victimaires et culpabilisantes.
À un journaliste du journal Le Monde, Aimé Césaire confia alors :
« Un jour, je traverse une rue de Paris, non loin de la place d’Italie. Un type passe en voiture : “Hé, petit nègre !” C’était un Français. Alors je lui dis : “Le petit nègre t’emmerde” ! »
Le lendemain, il proposa à Senghor de rédiger ensemble un journal : l’Étudiant noir. « Léopold : je supprimerais ça. On devrait l’appeler Les Étudiants nègres. Tu as compris ? Ça nous est lancé comme une insulte. Eh bien je la ramasse, et je fais face ».
C’est ainsi qu’est née la « négritude. » Une réponse à une provocation.
La déconstruction
Aimé Césaire rappelait à qui de droit : « Quand je parlais de négritude, c’était pour répondre précisément aux racistes qui nous considéraient comme des Nègres, autrement dit des riens. Eh bien, non ! Nègre vous m’appelez, eh bien oui, Nègre je suis. N’allez pas le répéter, mais le Nègre vous emmerde. »
Dans le « Chantier de déconstruction » qu’ils initièrent, l’objectif des penseurs de la négritude n’était pas de confirmer l’idée que l’on avait du Noir, mais plutôt de la déconstruire. Le but était notamment de dévoiler ce qu’on occultait avec le mot « Nègre », pour affirmer l’identité et la culture africaine dans un monde alors dominé par la culture européenne. Sans se refermer sur soi-même.
Cette entreprise de déconstruction fut relayée en Afrique francophone durant des générations. J’y ai participé au collège, dès la première année du secondaire… C’est probablement la raison pour laquelle l’usage du mot « Nègre » n’y génère pas les mêmes passions que dans les pays anglophones où à l’évidence, le travail de déconstruction reste à faire.
La radicalisation
Les jeunes générations de descendance africaine sont en grande partie déconnectées de l’héritage de Césaire et de Senghor. Elles vivent sous l’influence de la culture états-unienne et de l’actualité de ses dérives racistes. Les plus affectées se radicalisent.
Il n’est donc pas étonnant de constater des gestes contre-productifs et déplorables qu’ont posés les étudiants de l’Université d’Ottawa, avec le soutien malheureux de leur recteur.
Tenter de censurer un mot à la charge historique aussi lourde que « Nègre », dans un cadre académique qui plus est, c’est tenter de fermer un chantier de déconstruction inachevé. Tourner une page d’histoire sans préalablement la digérer et la transcender, c’est ouvrir les perspectives de sa hantise perpétuelle.
Source : Chronique de Maka Kotto, Journal de Montréal, 2020 10 26
https://www.journaldemontreal.com/2020/10/26/vous-avez-dit-negre