On se complaît en Romandie à écrabouiller de plus belle une langue française déjà à terre, comme le font tant de pauvres locuteurs romands déjà à la peine avec une langue de Molière qui doit grandement les indisposer. À cela s’ajoute une haine «épidermique» à l’extrême de tout ce qui viendrait, du Québec et d’ailleurs, nous mettre le nez dans notre linge douteux qui dégage un goût désagréable d’arrogance et de condescendance. Ce pays, qui se croit d’ailleurs sorti de la cuisse de Jupiter, n’est-il pas devenu en si peu de temps ce « cloaque » culturel où presque chacun d’entre nous – jeunes et vieux – patauge sans aucun discernement comme de pauvres hères sans âme et sans plus aucune estime de soi, englués que nous sommes dans les rets de cette idéologie extrémisante anglo-ricaine qui ne supporte rien de ce qui dépasse son glacial moule hégémonique…
En un rien de temps, nous sommes, pour la plupart dans ce pays, devenus de parfaits « mutants de Panurge » à qui l’on assène au quotidien, pour mieux nous conforter dans notre délire culturoclaste obsessionnel, tous ces plaisirs faciles et délétères qui en viennent à pervertir même l’esprit le plus réfractaire à tout endoctrinement. Si cela n’est pas de l’extrémisme, ça lui ressemble étrangement…
Pareille joyeuseté n’évoque-t-elle pas le prêt-à-penser qu’on imposait naguère encore en Europe de l’Est, credo totalitaire qu’il était tout indiqué de suivre sous peine de subir un ostracisme d’Etat… ? Eh oui ! Il suffisait simplement, pour envoyer à la casse une langue française qui en jette trop de sa prestance, mais qui, décidément, donne la nausée, de déplacer le curseur du totalitarisme vers l’absurde ! Qui l’eût cru ?
Trêve de bavardage. Le billet comparatif suivant sur le Québec et la Romandie illustre superbement le naufrage linguistique d’une bien misérable Helvétie qui adore se mettre en donneuse de leçons depuis son marigot culturel, alors qu’elle n’arrive pas – culturellement parlant – à la cheville d’une France qui a – il est vrai – oublié qu’elle seule pouvait encore, au tournant de ce 21ème siècle, tordre le cou à cette nouvelle forme de totalitarisme saxon qui ravage les consciences en nous rapetissant à la petitesse de parfaits zombies tout acculturés. Pauvres de nous ! Que l’envoûtante farce nous submerge tous !
Philippe Carron
Langue française, Suisse romande
Pièces jointes : deux des nombreuses diffusions de l’appel lancé par Jean-Paul Perreault dans des médias romands
Billet d’Ilyes Zouari :
Centre d’étude et de réflexion sur le monde francophone (CERMF)
23, avenue du Général de Gaulle
93290, Tremblay-en-France
France
Tremblay-en-France,
le 12/04/2018
Objet : sur la langue française en Suisse romande.
Mesdames et Messieurs les Ministres romands des cantons francophones ou bilingues de la Suisse romande,
Mesdames et Messieurs les Députés romands à l’Assemblée fédérale de la Confédération helvétique,
Mesdames et Messieurs les Maires et autres élus locaux des communes de la Suisse romande,
23%, c’est le poids du Québec au sein de la fédération canadienne,
23%, c’est le poids de la Suisse romande au sein de confédération helvétique,
… et pourtant, quelle différence ! le jour et la nuit…
Ainsi est-il de plus en plus désagréable pour un francophone du monde de venir dans cette Suisse romande, pourtant si belle, dynamique, et exemplaire à bien des égards. Ce malaise commence dès l’aéroport de Genève, où le français est totalement absent – et de facto interdit – de nombreuses boutiques, et se poursuit dans les rues de la ville jusqu’au moment où l’on souhaite se détendre avec une croisière sur le Lac de Genève, qui nous accueille avec son « Ticket point ». Ce genre de choses, parfois assez anciennes et auxquelles les Suisses romands ne font plus attention, mais qui choquent profondément tout francophone étranger de passage, méprisé qu’il se sent dans son identité francophone.
De l’autre côté de l’Atlantique, Montréal est pourtant une ville-monde qui n’a rien à envier à Genève ou à Lausanne, si connues à l’étranger. Pôle majeur de la haute technologie et de l’innovation, la capitale économique du Québec est le troisième pôle mondial pour l’aéronautique (derrière Seattle et Toulouse) et l’industrie du jeu vidéo, et le quatrième centre mondial pour le secteur des effets spéciaux cinématographiques. Cette ville est également le siège de grandes entreprises québécoises d’envergure mondiale, comme Bombardier (numéro un mondial de la construction ferroviaire et numéro quatre de la construction aéronautique), Hydro-Québec (quatrième producteur mondial d’hydroélectricité), la SNC-Lavalin (un des leaders de l’ingénierie et de la construction, avec plus de 51 000 employés à travers le monde) ou encore le Cirque du Soleil, numéro un mondial dans son domaine avec ses près de 4 000 salariés ! Particulièrement moderne et attractive, Montréal a même été élue meilleure ville étudiante au monde en 2017 par le classement international QS Best Soudent Cities (établi par le cabinet britannique Quacquarelli Symonds), ainsi que « Communauté intelligente de l’année 2016 » par l’organisme
américain Intelligent Community Forum (en raison, notamment, de son avance en matière de technologie numérique et d’intelligence artificielle).
Et pourtant, dynamisme et modernité se vivent en français à Montréal et dans l’ensemble du Québec, où la primauté du français, seule langue officielle depuis 1974, est scrupuleusement respectée (sans que cela n’empêche des traductions, bien sûr, et en second lieu). Et ce, à la grande différence de la Suisse romande.
En Suisse romande d’aujourd’hui :
– on ne compte plus les salons et autres manifestations internationales (sportives, culturelles…) où l’anglais est la seule ou principale langue de l’affichage public, sur les lieux où se déroulent ces événements ainsi que sur les sites internet de ces derniers. Chose impensable au Québec (mais également dans la vaste Afrique francophone, Maghreb inclus).
– un nombre grandissant de Grandes Ecoles et autres établissements d’enseignement supérieur ont des sites internet majoritairement en anglais. Chose, là encore, inimaginable au Québec (ou en Afrique francophone).
– on ne compte plus les adresses courriel et messages d’absence exclusivement en anglais des cadres de ces grandes écoles et universités. Impensable au Québec (et en Afrique francophone).
– on ne compte plus les bars et les restaurants où le français est désormais lingua non grata, ainsi que les brochures exclusivement en anglais, ou avec une version « microscopique » en français. Chose impensable au Québec ou en Afrique francophone, où les touristes francophones sont accueillis avec tout le respect qui leur est dû, et où les droits des citoyens souffrant de troubles de la vision sont pleinement respectés.
– et on ne compte plus les slogans publicitaires en anglais, utilisés par des organismes privés ou publics. Situation ubuesque que l’on ne voit guère, là encore, au Québec (ou en Afrique francophone).
Mais les différences ne s’arrêtent pourtant pas là, puisque le Québec va encore bien plus loin dans la promotion de notre langue française, langue mondiale, en utilisant exclusivement le français dans :
– les dénominations des Grandes Ecoles et universités,
– les intitulés de formation diplômante (avec, par ailleurs, des cours toujours essentiellement prodigués dans la langue de Molière et de Rousseau),
– les intitulés de fonction (quel que soit le domaine d’activité),
– les noms des films et des séries télévisées (presque systématiquement traduits en français lorsqu’il s’agit de productions non francophones).
– ou encore dans le choix des mots fréquemment utilisés par les médias et les milieux économiques, comme les mots « sociofinancement », « réseautage », « infolettre », « plan d’affaires » et « AECG », en lieu et place des termes anglais crowdfunding, networking, newsletter et business plan, si lourds à prononcer, et de l’acronyme CETA.
Et à cela s’ajoutent un grand nombre d’événements internationaux organisés annuellement au Québec et dont les noms sont en français, alors que la Suisse romande choisit presque systématiquement des titres en anglais pour les manifestations qu’elle organise sur son sol. Une anglicisation à outrance, à tel point que la Suisse s’est classée 14e mondiale pour ce qui est du niveau en anglais de sa population, selon la dernière édition du classement international EF EPI (Education First, English Proficiency Index), faisant ainsi largement mieux que 14 ex-colonies britanniques ou américaine ayant toutes l’anglais pour langue co-officielle, de jure ou de facto (comme Hong Kong, 29e, et les Emirats arabes unis, 57e), ou encore largement mieux que de grandes puissances technologiques et exportatrices comme la Corée du Sud (30e) et le Japon (37e).
Une anglicisation à outrance,
qui nous rappelle la situation qui prévalait au Québec jusqu’au début des années 1960, avant la Révolution tranquille.
Mais si le Québec a réussi à atteindre un tel niveau d’excellence, en dépit de la présence d’une communauté anglophone pesant pour 13% de sa population totale (et 22% de l’agglomération de Montréal, selon le critère de la première langue officielle canadienne parlée – PLOP), alors la Suisse romande, qui représente elle aussi 23% de la population de son pays d’appartenance et qui n’abrite pas une importante minorité anglophone, peut également le faire. D’autant plus que celle-ci, et contrairement au Québec, a le grand avantage d’être adossée à un pays voisin francophone de non moins de 67 millions d’habitants, et qui, de surcroît, est probablement la seconde puissance militaro-économique du monde (la puissance totale d’un pays ne pouvant se mesurer que par le cumul des critères économiques et militaires, auxquels s’ajoutent également la puissance culturelle).
Le français est d’ailleurs une langue qui n’a jamais été autant parlée et apprise à travers le monde. Et ce, grâce notamment à l’émergence démographique et économique du monde francophone, vaste comme près de quatre fois l’Union européenne tout entière (dans sa définition la plus stricte – territoires où l’usage de la langue française est une réalité quotidienne – et comme le montrent les cartes géographiques qui respectent les dimensions réelles des terres émergées) et regroupant désormais 480 millions d’habitants, répartis sur quatre continents et dans tous les océans. Une émergence aujourd’hui essentiellement due à l’Afrique francophone, partie la plus dynamique du continent (voir le lien vers un article sur le sujet, en fin de lettre*) et en bonne partie à l’origine de la hausse constante du nombre d’apprenants du français à travers le monde, et notamment en Asie.
Ce que l’on observe aujourd’hui en Suisse romande, où le français est de plus en plus banni de l’espace public, correspond donc à une évolution à contre-courant. Une évolution dont les conséquences peuvent être graves et pénalisantes pour l’ensemble du monde francophone. En effet, et outre le profond sentiment de mépris que peuvent ressentir les francophones du monde visitant la Suisse romande, il convient d’être pleinement conscient que la situation actuelle a des répercussions dépassant largement les frontières de la Romandie, et ce :
– en dissuadant les étrangers de retour chez eux d’apprendre le français et de lui accorder une place dans l’espace public, car jugé inutile à travers l’attitude observée des Suisses romands à son égard.
– en poussant les francophones de retour chez eux (touristes, étudiants, hommes d’affaires…) à se détourner du français, à le « détruire », puisque qu’il en est ainsi dans cette Suisse romande si moderne et dynamique (tout autant que le Québec, pour rappel).
– et, in fine, en menaçant clairement le statut mondial de la langue française, au plus grand désavantage de l’ensemble des peuples francophones du monde, dont les Suisses francophones eux-mêmes.
La Suisse romande – et plus globalement la partie européenne, et souvent sans repères semble-t-il, du monde francophone – ne peut donc plus continuer à entraver, involontairement mais activement, la dynamique favorable dont bénéficie le français à travers le monde.
Tel un enfant qui, sur une plage,
prendrait un malin plaisir à venir régulièrement détruire un château de sable patiemment édifié par d’autres enfants.
Car une langue, ce n’est pas seulement un simple passe-temps pour passionnés de dictées, de mots croisés ou encore de poèmes. Une langue, c’est avant tout une question de géopolitique, de parts de marchés et d’influence culturelle dans le monde (ce qui pousse les Anglo-Saxons à défendre si farouchement – pour ne pas utiliser d’autres termes – leur langue). Ainsi, ce n’est pas un hasard si les premiers pays au monde à avoir interdit le niqab étaient tous francophones ou très francophonophiles, en Europe comme en Afrique (à l’instar du canton du Tessin, où le français est appris en tant que première langue étrangère), ou si le Canada est toujours plus pacifiste et respectueux de l’environnement lorsqu’il est dirigé par un Québécois. Pacifisme, et rejet de toute forme d’extrémisme : telles sont, parmi d’autres, les valeurs véhiculées par la langue française. Ces valeurs, si souvent évoquées, mais si rarement expliquées par des exemples concrets.
De par leur appartenance à un espace culturel et géolinguistique planétaire, grâce à cette langue mondiale qui est la leur, les Suisses romands doivent donc comprendre qu’ils ne peuvent avoir la même attitude vis-à-vis de leur propre langue que leurs compatriotes de Suisse alémanique. Sans même le vouloir, les Suisses romands ont une responsabilité mondiale que n’ont pas leurs compatriotes alémaniques, qui peuvent alors se comporter comme bon leur semble sur leur « territoire ». Un comportement qui doit s’arrêter aux limites de ce territoire, et que les francophones de Suisse n’ont pas à adopter.
Mesdames et Messieurs les Ministres, Députés, Maires et autres élus de la Suisse romande,
Au vu de la gravité de la situation actuelle, et de l’importance des enjeux en la matière, il est grand temps d’œuvrer au respect intégral et permanent des points relatifs au caractère officiel de la langue française dans les différentes constitutions et lois déjà existantes en Suisse romande. Et si ces lois sont insuffisantes, ce qui est probablement le cas, je vous appelle alors à prendre pleinement conscience de la nécessité de prendre des mesures plus ambitieuses pour la défense et la promotion de notre langue commune, en s’inspirant notamment de l’exemple québécois.
Le plein respect des lois actuelles et l’élaboration sans doute nécessaire de nouvelles lois devront ainsi avoir pour objectif ultime :
– de garantir le respect des francophones du monde en interdisant toute forme de « mépris linguistique » à l’égard de ces derniers, qui ne doivent jamais avoir le sentiment, d’un point de vie purement linguistique, d’être en terre étrangère lorsqu’ils se trouvent en Suisse romande.
– de faire en sorte que les Suisses romands soient à la hauteur des responsabilités mondiales qui sont les leurs, du fait de leur appartenance à un espace culturel et géolinguistique planétaire. Appartenance qu’ils semblent souvent oublier, hélas, bien que cela soit pour eux un immense privilège. Un privilège toutefois assorti d’un certain nombre de devoirs, auxquelles échappent leurs compatriotes alémaniques ou italophones.
De par mes attaches familiales en Haute-Savoie voisine, j’ai souvent été en contact avec la Suisse romande, depuis ma plus tendre enfance. Un territoire dont je ne cesse de vanter les qualités : peuple travailleur, efficace, courageux et plein de bon sens (il vous suffira de voyager non loin, si vous avez encore quelques doutes…). Je demeure donc persuadé que cette excellence peut également s’étendre à la culture, et en particulier à la langue française, pilier de l’identité romande, mais point noire de la Suisse romande contemporaine.
Dans l’espoir de pouvoir contribuer à faire avancer les choses, à mon modeste niveau, je vous prie, Mesdames et Messieurs les responsables et élus de Suisse romande, de recevoir l’expression de mes sentiments les meilleurs.
Ilyes Zouari
Président du CERMF (Centre d’étude et de réflexion sur le monde francophone)
Spécialiste du monde francophone, conférencier.
www.cermf.org / info@cermf.org
Tél. : +33 (0)6 19 84 50 75
* Article « L’Afrique subsaharienne francophone demeure le moteur de la croissance africaine » (février 2018) :
https://www.cermf.org/afrique-francophone-demeure-moteur-croissance-africaine-2017
Cet article/rapport, dans sa version plus courte publiée le jour même sur le site des Échos, a par ailleurs été retweeté par le vice-président de la Banque mondiale pour l’Afrique, M. Makhtar Diop, qui valide ainsi les données qui s’y trouvent (@Diop_WB). Cette version, légèrement plus courte, est accessible à travers le lien suivant :
https://www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/cercle-178989-lafrique-subsaharienne-francophone-demeure-le-moteur-de-la-croissance-africaine-2151997.php
Le CERMF est le seul organisme qui analyse chaque année les performances économiques de l’ensemble de l’Afrique francophone, ainsi que de chacune de ses régions et zones monétaires.
Un Québécois dénonce une Romandie anglolâtre