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Dre Muriel Haziza, Directrice
Clinique C.D.N. – 5515, rue Saint-Jacques Ouest – Montréal, H4A 2E3
Cliente de votre Clinique au printemps dernier dans le cadre du traitement en physiothérapie octroyé aux personnes de plus de 65 ans, j’ai eu droit par la suite, soit en novembre-décembre de cette année, au programme d’exercices coordonné par la physiothérapeute prénommée Vania (qui ne m’a pas fourni son patronyme, même si je lui ai dit parler le russe).
Ce programme, que j’ai suivi fidèlement pendant douze séances entre le 27 octobre et le 8 décembre derniers, m’a semblé très professionnellement conçu, et je n’ai pas eu à m’en plaindre sur ce plan, loin de là. Je l’ai pourtant interrompu (à mon détriment) pour une raison à mon avis majeure, que je me propose de vous expliquer ci-après.
Dès le début, je me suis rendu compte que la clientèle présente provenait majoritairement d’autres pays, Inde, Égypte, Roumanie, Jamaïque, etc., et s’exprimait en langue seconde anglaise. J’étais, manifestement, la seule francophone, à part une autre personne – mais qui, elle, se montrait de toute évidence résignée à ce que la communication des directives se fasse en langue anglaise. Quant à moi, écrivain et auteure dans le passé de plusieurs traductions de livres de l’anglais au français, je tenais au contraire à ce que la prééminence de cette dernière langue, officielle au Québec, soit respectée simplement parce qu’il s’agit là d’un droit fondamental et inaliénable.
Or, la jeune Hispanophone prénommée Cristina qui présida aux séances pendant onze des douze séances d’exercices auxquelles j’ai participé, était tout à fait au diapason de ma pensée sur le sujet parce que, ignorant l’anglais, elle ne pouvait s’exprimer qu’en français, sa langue seconde, par ailleurs. Lors de la séance du 8 décembre, où Vania prit la relève, il apparut que le statut de langue officielle du français au Québec ne serait plus considéré. Parce que j’ai alors protesté fermement contre un tel déni, l’animatrice russo-québécoise voulut bien traduire, dans un deuxième temps, les directives adressées à la classe – en me faisant porter l’odieux d’être l’unique bénéficiaire de tant de sollicitude dérangeante pour la majorité. Pas question, avec Vania, de revenir à la situation antérieure, telle qu’elle existait avec Cristina, je devrais m’y plier de gré ou de force !
Après cette pénible séance du 8 décembre, j’ai demandé à parler à Vania, car elle semblait agir au nom de la conviction erronée qu’au Québec, le bilinguisme anglais-français était la règle – plutôt au profit de la première de ces langues, d’ailleurs. Je lui ai alors expliqué qu’il y avait ici une Loi qui régissait cette question et affirmait la primauté du français. La réponse à laquelle je fus alors exposée : « Je ne suis pas payée pour faire la propagande du français » m’apparaît très révélatrice d’une stupéfiante méconnaissance de l’Histoire de la terre d’accueil qu’est le Québec pour maintes personnes de l’étranger ayant choisi de venir s’y établir pourtant. Comme c’est là que je suis née pour ma part et ai reçu en grande partie mon éducation, j’avoue avoir trouvé l’ensemble de cette situation de diglossie autorisée particulièrement offensante et humiliante.
La clientèle des participants au programme telle que je l’ai observée pendant ma fréquentation de celui-ci, alors qu’elle était dirigée par Cristina en français, arrivait sans remise en question à suivre les indications données, oralement et corporellement, se voyant par ailleurs offrir là une occasion de se conscientiser à l’absolue nécessité pour s’intégrer au Québec d’apprendre tout au moins des rudiments de la langue française si l’on ne la connaît pas déjà.
N’allez pas croire, Madame, que ma plainte provienne d’une quelconque animosité envers l’anglais, langue que je parle, lis et écris depuis ma petite enfance. Comme je vous l’ai mentionné plus haut, j’ai traduit plusieurs livres et documents de l’anglais au français dans le cours de ma vie professionnelle [voir mon site web :genevieve.manceaux.phare.uneq.qc.ca]. Qui plus est, je réalise actuellement l’adaptation française bénévole de textes écrits en anglais par Patrick Coburn, journaliste pour The Independent au Royaume-Uni, au service d’un organisme de lutte contre la guerre [le Collectif « Échec à la guerre »].
Au vu de mon expérience, je proposerais que vous examiniez la possibilité de rétablir la situation d’une façon ou d’une autre, de telle sorte qu’il ne subsiste aucune ambiguïté au sein de votre clientèle immigrante de langue seconde anglaise concernant l’obligation citoyenne de reconnaître, dans la pratique, le statut du français au Québec comme langue d’usage de toute activité publique collective. Et cette proposition ne s’inspire pas d’un esprit patriotard, n’en doutez pas, mais de la revendication d’un droit au respect de la réalité historico-linguistique proprement québécoise – dont l’ignorance m’apparaît difficilement excusable chez toute personne soucieuse de justice.
Avec mes remerciements anticipés pour l’attention que vous ne manquerez pas de porter, j’en suis sûre, à la présente requête, je vous prie d’agréer, Madame, l’expression de mes salutations distinguées.
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Geneviève Manceaux, Écrivain et psychopédagogue
Ph. D. Psychopédagogie, M.A. Linguistique, B.Éd.
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Montréal, le 5 janvier 2016