La question de l’indépendance du Québec s’est embrouillée au point que l’on ne sait plus trop de quoi il s’agit. On ne sait plus pour qui et pour quoi il faut faire l’indépendance. On n’ose plus même en parler clairement, on se rabat sur des éléments de traverse qui ont un rapport indirect et bien affaibli avec le fond de la question : démocratie, projet de société, avantages économiques, etc. On s’ingénie à détourner l’attention de notre réalité historique pour ne pas avouer un échec dont les effets se confirment de plus en plus. L’autre jour, le cinéaste Denys Arcand rappelait à des interlocuteurs que nous étions un peuple conquis et que nous l’étions toujours. L’auditoire ennuyé, ou plutôt gêné de la vérité, le pria plus ou moins de changer de sujet. La survivance du Québec, ses efforts d’émancipation, les progrès dont il se targue avaient pour but plus ou moins explicite la reconquête de l’indépendance. Maintenant que celle-ci s’éloigne jusqu’à l’improbable, qu’elle n’est même plus comprise ni désirée, l’assimilation au Canada anglais que l’on craignait autrefois comme le synonyme de la mort de notre peuple devient un état que l’on considère de plus en plus comme naturel, comme allant de soi. Et l’on s’apprête à voter en ce sens.
Les élections fédérales nous permettent de vérifier cette évolution descendante. Entre les quatre chefs en présence, on préférera l’un des trois chefs anglais au seul Québécois. Ainsi le Québec glisse tout doucement hors du politique, devenu étranger, pour se réfugier dans le sentimental, le folklorique, le muséal. L’histoire nous l’enseigne pourtant : tous les députés fédéraux élus par le Québec n’ont été et ne sont que les mercenaires du fédéral et les masques de la domination du Canada anglais sur nous. La prétendue participation au pouvoir qu’ils nous apporteraient n’est que l’exercice d’un pouvoir qui nous ignore et qui nous impose des décisions contraires à nos aspirations et à nos intérêts profonds. Quelques usines, quelques ponts et chaussées, quelques subventions ne changent rien à l’affaire, ils en sont même les opérateurs, le facteur aggravant.
Un argument distordu, et qui est fort répandu, consiste à professer que le fédéral prenant nombre de décisions qui nous affectent, il faut voter, en attendant l’indépendance, sans rien qui nous différencie, tout comme si nous étions des Anglais « multiculturels ». Un des premiers effets de l’indépendance sera que le Québec ne votera plus à Ottawa. Ne pas apercevoir ce fait n’est-il pas pour des gens qui se prétendent des indépendantistes une incohérence sérieuse?
L’indépendance est-elle à reporter dans un avenir vague qui n’arrivera jamais? Ne faut-il pas déjà l’installer et la pratiquer dans nos moeurs politiques avec les moyens que cette élection nous permet? Le fait d’avoir écarté, en 2011, le Bloc Québécois au profit du Mirage Orange constituait une sérieuse régression qui nous a privés d’une authentique représentation à Ottawa. Entre l’état fédéral et l’indépendance, le retour massif au Bloc Québécois constitue une étape essentielle.
Hubert Larocque, Gatineau
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