L’un des traits principaux de la psyché québécoise est sans doute la grande fragilité face à toute opposition et, partant, le déni de toute vérité qui brise l’illusion tranquille. Une blessure se réveille, une crainte s’empare de nous à laquelle succombent même des esprits que l’on croyait les plus éclairés. Le peuple est peu sensible à l’affiche de la Charte, – laïcité, égalité des sexes -, mais presque tous, sans pouvoir le justifier, perçoivent que la vraie question est celle de notre identité nationale. Selon que l’on accepte celle-ci ou qu’on la querelle, on sera pour ou contre la Charte. D’une part, on invoque soit le legs des ancêtres, soit des idéaux de style « républicain », et de l’autre, on s’appuie sur la vision et la contrainte que nous impose le Canada anglais. Les opposants à la Charte ne considèrent-t-ils pas les « libertés individuelles » comme opposées aux droits collectifs? N’ont-ils pas la certitude, hélas bien fondée!, que les tribunaux du Canada dégrifferont la Charte?
Quelques-uns, et non des moindres, prétendent que la Charte prétend régler un problème qui n’existe pas et, par conséquent, que le Gouvernement Marois travaille à diviser le Québec de façon artificielle. Il y aurait un nombre tout à fait négligeable de « Québécois » qui porterait des vêtements affichant les signes d’une identité étrangère. Pourtant, la persistance et l’âpreté du débat montrent déjà que la Charte touche une cible d’importance. C’est que le voile, puisqu’il faut le nommer, affiche non une religion, mais une identité que l’on veut retenir, et dans laquelle on se ghettoïse, en marquant une limite à toute intégration réelle. C’est cela qui heurte les Québécois et qui suscite leur refus, cette indifférence au peuple qui a fondé le Québec et à la culture qui lui donne sa définition essentielle.
Par exemple, ceux qui, il y a peu, se sont tournés vers le Magreb, avec une belle naïveté, n’avaient pas prévu les suites d’une immigration aussi importante. Au début, ils étaient quelques centaines et pourtant, ils forment une opposition d’un poids certain et d’une assurance inquiétante. Alors, est-il bien réaliste et clairvoyant de prétendre que la Charte répond à un péril imaginaire? La « centaine » de voiles d’aujourd’hui ne passera-t-elle pas, par la logique autoritaire des « accommodements », à un envahissement massif et inendiguable de notre espace public?
Hubert Larocque, Gatineau.
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