Il faut se réjouir que l’importance des événements de 1982 n’échappe pas à M. Lucien Bouchard et qu’il ait le courage de le dire sans toutefois aller au bout des possibilités de cette prise de position. Il se trompe sur un point: cet événement n’est pas irréversible. Il suffirait que surgissent au Québec des dirigeants avec la stature voulue et qui mettent en oeuvre la méthode nécessaire. La désacralisation de la Cour suprême, si elle est menée à terme avec constance et précision, est un excellent point de départ. Quand l’Allemagne, en 1940, a envahi plusieurs pays d’Europe, dont la France, aurait-il fallu laisser faire piteusement sous le prétexte qu’on ne refait pas l’histoire?
En dépit des nombreux commentaires suscités par le livre de M. Bastien, la raison principale de l’importance de ses révélations a échappé à la plupart des commentateurs. Elle n’est pas située dans le passé, mais dans l’avenir. C’est que si la Constitution de 1982 n’est pas abrogée et demeure impunie, il n’y a plus aucun frein aux entreprises du fédéral. Dans une entrevue, Jean Chrétien disait « naïvement », que le fédéral avait tous les pouvoirs. Écoutez bien, car c’est textuel: « On pourrait abolir les provinces! » Voilà l’objectif ultime de l’action brutale et sans scrupule de Pierre Elliot-Trudeau.
Au lieu de garder le silence et la réserve absolue, M. Lucien Bouchard aurait dû s’abstenir d’assister aux funérailles de Pierre Elliot-Trudeau et n’émettre aucun communiqué. En assistant à cette triste cérémonie et en s’abaissant au point de qualifier Trudeau de « grand canadien », hélas!, M. Bouchard approuvait cette Constitution en tant que représentant du Québec. Avec le recul des ans, il devrait reconnaître que sa démission comme dirigeant du Québec, en 2001, était dictée par cette même ambiguïté foncière qui l’empêchait de choisir entre le Canada et le Québec, ce qui eût été la responsabilité de sa fonction.
Hubert Larocque, Gatineau.