LES ALLIÉS DE LA « CANADIAN RIGHTS IN QUEBEC »

Les gros canons du journal La Presse

N.B. On nous a reproché certains termes de cette lettre au point qu’un des journaux importants l’a  jugée excessive et même diffamatoire! Habitué à une vision étriquée, réductionniste et par conséquent complice de l’ordre canadien, on n’a pas vu que nous omettions plusieurs idées intermédiaires pour mieux faire voir l’architecture globale de la Confédération canadienne par rapport au Québec. Pourquoi s’opposer à la loi 14 qui se proposait de réactualiser la loi 101 et de lui redonner sa vigueur originelle? C’est évidemment parce que l’on est satisfait d’une loi 101 rendue inopérante dans quelques unes de ses parties essentielles par des accommodements abusifs et surtout par l’effet  des jugements répétés de la Cour suprême. On acquiesce pour la forme à la loi 101 mais on refuse de la restaurer pour la conserver dans une version châtrée, purement verbale et inefficace. Dans l’équation, la loi 14 égale la loi 101. Quant à la Cour suprême, elle devrait reconnaître la formidable inégalité des forces entre le français et l’anglais et tenter par un traitement « inégal » de rendre le français « égal » à l’anglais. En appliquant une notion abstraite de l’égalité aux causes impliquant le statut du français, elle confirme l’écrasante supériorité de l’anglais et même la renforce. Enfin, le fédéralisme québécois a deux usages, l’un purement intra-provincial comme un élément de l’alternance traditionnelle, mais il a aussi une autre fonction, plus ou  moins à son insu, celle de représenter et de défendre le Canada anglais et ses intérêts coloniaux dans la « Province de Québec »

Nous avons de l’estime pour le talent de Lysiane Gagnon et d’Alain Dubuc mais leurs commentaires servent la classe bourgeoise à laquelle ils appartiennent et dans laquelle ils se cantonnent entièrement.  Ces journalistes ne croient pas à l’existence d’un peuple québécois et ne comprennent pas le destin particulier de ce peuple que définit la fondation française de 1608, et dont la Conquête de 1760 nous a si radicalement détournés. Ils auraient avantage à relire un récit tel que le Boule-de-Suif de Maupassant pour saisir les ressorts secrets de leur aversion pour un Québec indépendant, ainsi que l’inscription de leurs analyses dans les schèmes classiques de la collaboration. S’ils n’en ont ni le temps et le goût, ils pourraient se contenter de la fable Le loup et l’agneau (I, 10) de La Fontaine. Ils pourraient y prendre une leçon afin de mieux encore prendre le parti du loup!

Les alliés de la « Canadian Rights in Quebec »

On n’a pas assez remarqué que la Canadian Rights in Quebec  avait embrigadé quelques gros canons du journal La Presse pour répandre sa propagande dirigée en fait contre le français, langue nationale du Québec. Lisez les articles suivants et vous serez plus que convaincus que ceux-ci nient jusqu’à l’existence d’un problème du français à Montréal et au Québec, et qu’ils présentent et la loi 101 et la loi 14 comme de simples machines à « écoeurer les Anglais ». En réalité, ni les Anglais de Westmount, ni les « fédéralistes » québécois n’ont jamais accepté la loi 101. Ils feignent hypocritement le contraire mais ils recherchent sans cesse des angles pour l’affaiblir et de la rendre inopérante. Ils furent unanimes à la dénoncer et à la combattre à l’origine et ils continuent à le faire par tous les moyens dont le mensonge et la désinformation sont les moindres. Faut-il rappeler que la Cour suprême du Canada, dans tous ses jugements, est allée dans le même sens. Affaiblir et détruire la langue française pour assurer le triomphe de l’anglais, voilà l’intention et la pratique de cette Cour. (…)  

Les « fédéralistes » québécois, sans le savoir (?), sont mus par la même conviction d’où leur tiédeur à défendre le français et leur approbation à tout ce qui le détruit. Il va de soi que les naïfs et les assimilés, impressionnés par le prétexte de la Charte des droits qui sert de masque à cette intention, s’agenouillent et approuvent avec le dernier aveuglement. Voici donc deux articles révélateurs, à deux jours d’intervalle, ce qui dénonce un plan bien orchestré: Lysiane Gagnon, « La loi et les zélotes », La Presse, 23 avril 2013; Alain Dubuc, « Écoeurer les Anglais », La Presse, 24 avril 2013. 

Hubert Larocque

Voici les textes, ce ne sont pas les seuls, que nous donnons en exemple de la lutte contre une défense et une illustration efficaces de la langue française au Québec.

Publié le 23 avril 2013 à 06h00 | Mis à jour le 23 avril 2013 à 06h00

1.La loi et les zélotes

Lysiane Gagnon
La Presse

Le sort du projet de loi 14 sur le renforcement de la loi 101 reste incertain. Les libéraux ayant annoncé leur intention de voter contre, tout est désormais entre les mains de la Coalition avenir Québec. Si elle vote non à son tour, cela lui vaudra les hauts cris des péquistes, qui la rangeront parmi les ennemis du français.

Cette accusation sera injuste et loufoque, d’autant plus que la ministre Diane De Courcy, à l’issue de la Commission parlementaire, n’a jamais voulu révéler si elle accepterait les amendements proposés par la CAQ.

Si, au contraire, la CAQ accepte l’examen du projet article par article, elle risque de perdre largement son temps, et n’aura pas le choix de faire couler le projet si le gouvernement refuse les amendements auxquels elle tient le plus. Par contre, elle aura alors fait la preuve de sa bonne foi, et sera à l’abri des soupçons les plus perfides.

Dommage, tout de même, qu’en cette matière si délicate, le gouvernement Marois ait fait le jeu de la mini-bande de zélotes qui n’en finit plus de réclamer toujours plus de coercition et plus d’intolérance. Il est d’ailleurs très frappant de constater que ce sont toujours les mêmes, depuis bientôt un demi-siècle, qui s’autoproclament les défenseurs du français.

Ainsi du démographe Charles Castonguay, qui prédit depuis 1974 la disparition du français et revient encore au front avec ses prévisions apocalyptiques. Ou de l’omniprésent Mario Beaulieu, l’ancien petit chef de l’association Montréal-Centre du PQ, qu’on retrouve depuis des décennies à la tête des organismes nationalistes… Sans compter le petit groupe qui se spécialise dans la délation systématique, traquant les dépanneurs tamouls et les bistrots qui affichent WC sur leurs toilettes.

Loin d’être des amoureux de la langue française, ces gens-là sont des obsessionnels ancrés dans la mentalité du pauvre-petit-peuple-exploité des années 60, confits dans le ressentiment et la paranoïa, une paranoïa qui leur fait voir les autres – les anglos, les immigrants, les francophones ouverts sur le monde – comme des menaces perpétuelles.

Ce petit groupe ne serait qu’un épiphénomène si le PQ et quelques apparatchiks syndicaux n’y prêtaient pas tant d’attention. (La CSN a emboîté le pas au Syndicat des fonctionnaires du gouvernement pour réclamer la disparition des hôpitaux et des cégeps anglophones! La CSN a-t-elle consulté ses membres là-dessus?)

Heureusement pour la santé démocratique du Québec, les plus sévères critiques de ce projet de loi ont été des francophones. Le Barreau du Québec, la Commission des droits de la personne, les associations représentant les gens d’affaires petits et gros, la Fédération des cégeps…

L’opposition des anglophones était prévisible, mais de très larges pans de la société francophone se sont élevés contre ce projet de loi excessif, qui étoufferait les petites entreprises sous le poids de règlements vexatoires, et qui comporte nombre d’atteintes aux droits des minorités.

La CAQ a raison de suggérer l’incitation plutôt que la coercition pour les petites entreprises; raison, aussi, de s’opposer au retrait du statut bilingue des municipalités dont la population anglophone serait passée sous la barre des 50%. Tous les maires qui se sont succédé à la commission parlementaire ont exprimé la même position, y compris le maire de Lachute, un ancien candidat du PQ!

Mais la CAQ aurait tort de limiter son opposition à ces trois questions. Il y a bien d’autres choses à modifier dans ce projet de loi, notamment ceux qui, comme le signalent le Barreau et la Commission des droits, contreviennent aux chartes des droits et sont, dixit le Barreau, «injustifiables dans une société libre et démocratique».

Publié le 24 avril 2013 à 06h00

2.Écoeurer les Anglais

Alain Dubuc
La Presse

L’élément le plus étonnant du projet de loi 14, qui propose de multiples changements pour «renforcer» la loi 101, c’est la disposition qui permettrait de retirer leur statut de ville bilingue aux municipalités dont la proportion d’habitants anglophones est passée sous la barre des 50%.

Ce n’est pas un élément important du projet de loi, comme les modifications à la Charte des droits ou l’idée d’imposer le carcan de la loi 101 aux PME. Mais, au plan symbolique, cette mesure inutile, vexatoire pour les anglophones, reflète une trame qui se retrouve partout dans ce projet de loi où, directement ou indirectement, implicitement ou explicitement, on s’en prend à la légitimité de vivre en anglais au Québec.

Depuis le début, on devine que ce projet de loi est plus politique que linguistique, qu’il sert davantage au gouvernement Marois pour occuper le champ identitaire que pour trouver des solutions concrètes et efficaces à des problèmes précis que rencontre le français. Cette dérive est nourrie par deux confusions dans la démarche gouvernementale.

La première, c’est l’analyse même qui justifierait l’urgence d’agir, ce qu’on appelle bêtement le déclin du français à Montréal. De quoi s’agit-il? Des Montréalais francophones qui déménagent en banlieue. Des immigrants, en plus grand nombre, qui parlent leur langue maternelle à la maison. Des phénomènes qui ne s’accompagnent pas d’un renforcement de l’anglais, mais que l’on traite à tort comme s’il affectait les rapports de forces entre l’anglais et le français.

L’autre grande confusion consiste à appliquer au contexte de 2013 les réflexes que nous pouvions avoir dans les années 60, quand les Québécois, dans leur affirmation, devaient combattre les privilèges d’une minorité anglophone, et où la bataille pour le français passait en partie par une bataille contre les Anglais.

Mais en 2013, les deux grands défis, l’affirmation de l’anglais comme lingua franca et l’attraction qu’exerce l’anglais dans un continent anglophone, ne sont pas imposés par le Canada anglais ou les anglophones du Québec. Mais on continue à taper sur nos anglophones qui n’y sont pour rien.

Enlever le statut bilingue à quelques municipalités ne fera pas progresser le français d’un poil. Mais il affectera la vie communautaire des anglophones, réduira leur espace de vie collectif. Cette mesure n’a aucune raison d’être, sauf d’écoeurer les Anglos. Avec un message en filigrane. Dans les efforts pour renforcer la place du français dans l’espace public, on veut aussi réduire celle des anglophones. Et derrière, ne l’oublions pas, les courants anglophobes et revanchards toujours présents qui, dans le fond, aimeraient bien que les Anglos s’en aillent.

Nous avons des devoirs envers notre minorité linguistique. Nous devons aussi préserver la qualité des rapports avec des anglophones qui ont accepté les nouvelles règles du jeu, qui croyaient sincèrement qu’on était arrivés à un équilibre linguistique et qui se demandent maintenant si l’on veut vraiment d’eux.

Ce risque de détériorer nos rapports avec les anglophones affecte aussi nos intérêts collectifs. Briser la paix linguistique, c’est une autre façon de tuer Montréal à petit feu. Ce qui fait la force de Montréal, qui la rend unique, ce n’est pas qu’elle soit multiculturelle – toutes les grandes villes le sont -, mais qu’elle soit bilingue, le lieu de rencontre de deux grandes communautés linguistiques. Cette rencontre, avec ses difficultés, mais avec ses tensions créatrices, nous donne aussi un avantage économique, et contribue à son âme et à sa richesse culturelle.

Pour éviter de reculer collectivement, il ne faut pas seulement éliminer quelques articles douteux du projet de loi 14. C’est l’esprit et la logique d’ensemble du projet qui doit être remis en cause.

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