Le Président Ali Bongo a constaté que les Français étaient colonisés par l’anglais (leurs diplomates s’expriment souvent en anglais, bon nombre de jeunes chanteurs chantent en anglais, leurs chercheurs et savants publient en anglais, les publicités transpirent l’anglais, de nombreux parents sont prêts à envoyer leur progéniture en déportation en Angleterre pour qu’elle apprenne l’anglais natif, l’école française donne la priorité à l’enseignement de l’anglais, on enseigne même en anglais dans certaines grandes écoles et universités, etc.) et le Président Ali Bongo se dit alors, pourquoi ne pas faire comme les Français, c’est-à-dire pourquoi ne pas livrer mon pays à l’anglais.
Son raisonnement n’est pas stupide, certes, mais M. Ali Bongo aurait pu raisonner tout autrement. Se dire, par exemple, que si la France néglige sa langue, si elle préfère disparaître dans une Europe pro-atlantiste où la pensée anglo-saxonne et la langue qui va avec régneront en maître absolu, c’est tant pis pour elle, nous, Africains de l’Ouest, préférons garder le français, car nous ne voulons pas, avec l’anglais, être colonisés une nouvelle fois. « Nous sommes à deux doigts de nous approprier la langue française », aurait-il pu rajouter, « car demain, cette langue nous appartiendra, vu que nous allons être, par le nombre de locuteurs la parlant, les plus nombreux, ce qui fera du français une langue majoritairement africaine ». « Majoritaires », le serons-nous avec l’anglais s’il advenait qu’un jour nous devenions anglophones ?
M. Bongo aurait pu se poser la question aussi, à savoir pourquoi l’anglais domine le monde aujourd’hui ? Comment cela s’est-il produit ? La colonisation anglaise, bien sûr. Une colonisation nettement moins paternaliste et humaniste que la française. Une colonisation qui, sous le contrôle des loges orangistes, les mêmes qui ont colonisé et anglicisé l’Irlande, a répandu, partout dans l’empire britannique, l’idéologie anglo-saxonne basée sur le puritanisme protestant, un puritanisme qui a poussé les Britanniques à faire une colonisation de type « plantation » (ils occupaient le terrain et le peuplaient de populations britanniques en se débrouillant à éliminer les populations autochtones : aborigènes en Australie et en Nouvelle-Zélande, Amérindiens en Amérique du Nord, ou, quand l’élimination était impossible, ils séparaient les populations : apartheid en Afrique du Sud et aux États-Unis d’Amérique).
Sait-il, M. Ali Bongo, que ces mêmes Orangistes, artisans de l’anglais mondial d’aujourd’hui, traitaient de Nègres blancs les francophones de l’Ouest canadien en leur disant « Speak White » (Parle la langue des Blancs) lorsqu’ils avaient l’ « outrecuidance » de parler français ?
Sait-il, M. Ali Bongo, que ces mêmes Orangistes ont fait pendre en 1885, le Chef métis Louis Riel, parce qu’il voulait faire une Nation-Métis, catholique et francophone, à l’Ouest de l’Ontario, une région qui n’était pas encore au Canada anglais à l’époque ?
Pour en savoir plus sur la stratégie des Orangistes et des propagandistes de la langue anglaise, en général : http://youtu.be/UIYj-ByoVSU, lire aussi les livres de Xavier Charles Durand.
Régis Ravat