Par YVES MICHAUD
M. Charest, à ses risques et périls, a fait de Jean-Marc Fournier un inquiétant ministre de la Justice en ne prenant pas la juste mesure d’un dérailleur et d’un zigoto qui n’a guère ennobli la fonction de député et de ministre depuis qu’il siège dans le « salon de la race ». Un vrai ministre de la Justice devrait respecter sa fonction et garder une petite gêne ou un soupçon de réserve dans un débat concernant une affaire qui normalement relève des tribunaux. Surtout lorsqu’il s’agit d’une bavure sans précédent depuis quatre siècles de l’histoire du parlementarisme. On ne se juge pas soi-même. Se comporter comme un commissaire du peuple de l’ancien régime soviétique en expédiant un citoyen au goulag de la honte, sans même l’entendre, est indigne de la fonction qu’il occupe. D’autant, que son patron Jean Charest, n’a de cesse depuis quelques semaines de tonitruer sur toutes les places publiques que » l’Assemblée nationale n’est pas un tribunal populaire ».
Lorsque Jacques Parizeau et Lucien Bouchard furent apparentés à des nazis, ou quelque chose du genre par un loustic du monde financier il y quelques années, ils ne se servirent pas de l’Assemblée nationale pour obtenir réparation. Ils assignèrent le malotru devant une cour de justice et obtinrent réparation de cette diffamation.
Eussé-je tenu des propos offensants envers qui que ce soit aux États généraux de la langue française,- ce qui est faux -, dans un État de Droit, il y a des tribunaux pour réprimer pareille dérive. L’un des plus ferrés au Québec en matière d’histoire du droit parlementaire, Gaston Deschênes, a publié récemment un ouvrage, L’AFFAIRE MICHAUD, CHRONIQUE D’UNE EXÉCUTION PARLEMENTAIRE. Tout y est passé au peigne fin avec impartialité, mesure, et une interprétation des faits hors de pair. Jean-Marc Fournier, plaideur de basses cours, récemment bombardé ministre de la Justice n’a manifestement pas lu cette remarquable référence à l’usage des élus du peuple. Il y aurait trouvé (page 212) le commentaire d’un des magistrats les plus respectés, non seulement au Québec, mais d’une frontière à l’autre des trois océans qui bordent le Canada. Le ministre de la Justice (sic) du Québec, n’a manifestement pas lu ce texte lumineux du juge Jean-Louis Baudoin, de la Cour d’Appel du Québec :
« Je ne peux m’empêcher de penser que le Droit est ici devant un étrange paradoxe. Pour préserver la démocratie parlementaire, et donc la libre circulation des idées, le Droit à l’époque des Chartes et de la prédominance des droits individuels permet qu’un individu soit condamné pour ses idées (bonnes ou mauvaises, politiquement correctes ou non, la chose importe peu), et ce, sans appel et qu’il soit ensuite exécuté sur la place publique sans, d’une part, avoir eu la chance de se défendre et, d’autre part, sans même que les raisons de sa condamnation aient préalablement été clairement exposées devant ses juges, les parlementaires. Summum jus summa injuria (le droit strict est la suprême injustice), auraient dit les juristes romains. »
M. Fournier serait bien avisé de lire et relire ces lignes d’un grand juriste, celui-là !