Le texte que je me propose de présenter à l’audience de la Commission B-T qui aura lieu à Sherbrooke les 20 et 21 novembre prochain.
Le problème qui occupe cette commission ne se poserait sans doute pas s’il n’existait actuellement au Québec une culture française dont l’histoire remonte à 1608.
Le fait sociologique le plus frappant ici est que 7 millions de québécois parlent français dans un océan de près de 300 millions parlant anglais en Amérique. Ce fait est souvent considéré comme une espèce de miracle. Mais nous savons bien qu’il n’y a pas de miracle durable sans lucidité, sans volonté, sans persévérance. C’est au nom de ces vertus que le Québec s’est donné en 1977 la loi 101 proclamant le français langue officielle du Québec : le français devenait la langue commune de tous les québécois, la langue publique, la langue de travail, la langue de communication sur tout le territoire du Québec.
Le rapatriement unilatéral de la Constitution canadienne en 1982 et les contestations de la loi 101 devant la cour suprême du Canada ont laissé, après les jugements successifs de cette cour, une loi 101 affaiblie et inefficace, et on se retrouve 30 ans après dans une situation où une minorité seulement des nouveaux arrivants s’intègrent à la culture française au Québec.
L’accommodement le plus déraisonnable serait à mon avis de laisser perdurer cette situation où seulement 45 % des immigrants travaillent en français au Québec. Considérant l’importance capitale de la langue parlée au travail pour l’intégration culturelle, si la société québécoise veut simplement préserver son caractère français, garder sa position actuelle au Québec même, il est mathématique que cette proportion d’immigrants travaillant en français devrait être plutôt de l’ordre de 90 %.
Cet accommodement tacite consistant à ne rien faire ou même à ne pas regarder la chose en face est déraisonnable parce qu’il met en péril la vie même de la culture française au Québec et empêche les québécois d’adopter une attitude dynamique et positive vis-à-vis l’immigration. On ne peut en effet raisonnablement accepter une augmentation de l’immigration si cela affaiblit sa propre culture.
L’impuissance résultant de la dépendance du Québec vis-à-vis un gouvernement extérieur qui limite grandement ses moyens d’action sur les plans politique, législatif et financier, cette impuissance condamne les québécois au repli pour la simple survivance.
Au contraire, si le Québec brisait ce lien de dépendance cela lui permettait, entre autres, de se donner une politique efficace d’intégration des nouveaux arrivants. Les québécois verraient alors l’avenir avec confiance et accepteraient facilement une augmentation de l’immigration puisqu’ils auraient la conviction que leur culture en sortirait enrichie.
Merci.
Bernard Courteau, Sherbrooke.
Note : L’excellent mémoire du mouvement Impératif français, déposé aux audiences de Gatineau de cette commission, contient les statistiques et les analyses sur lesquelles est basée cette intervention, en particulier des statistiques sur la langue de travail.